Feuilleton : Le mystère du lapin blanc (épisode 7)

lapinblancPar Frédéric Candian, auteur de plusieurs romans, dont Justice (Bénévent, 2005) et La communauté de Thésée (Edilivre, 2009). Son site web : www.fredcandian.fr

Christian roule sur la N 10 en direction de Tours depuis une heure déjà. Il a beau tourner la question dans tous les sens, il est clair que ce sont les événements inattendus de la veille qui lui ont indiqué la direction à suivre, et il ne doute pas que d’autres panneaux indicateurs jalonneront sa route. Des panneaux indicateurs pour lui et lui seul, car ils sont les indices que le lapin blanc laisse derrière lui.

Mais enfin, qui est-il, ce fameux lapin blanc ? S’il est là pour nous guider, pourquoi se cache-t-il ? Et s’il est là pour nous nuire, pourquoi se montre-t-il ? Joue-t-il sur les deux tableaux et pourquoi, ou pour qui ? Est-il le symbole du temps qui s’enfuit ? Dans ce cas, il court après lui-même et de fait, il symbolise la quête de soi-même, l’introspection.

whiterabbitCette introspection, qui a pour point de départ une nécessaire solitude, peut mener à la folie, comme le suggère le film judicieusement titré White Rabbit. Ce n’est que très récemment, lors d’une recherche documentaire sur Internet, que Christian a découvert l’existence de ce film. Un jeune garçon, forcé d’abattre un lapin blanc par son père alcoolique, en garde des séquelles. Marginalisé et raillé durant son adolescence, il se venge en laissant ressurgir toute sa rancœur.

Le lapin blanc n’est donc pas une vue de l’esprit, mais un symbole puissant. Popularisé par Lewis Carroll dans Alice au pays des merveilles, rajeuni par Walt Disney, et introduit dans la culture conspirationniste par Matrix. Aujourd’hui, il semble être un symbole incontournable. Il est connu d’un nombre toujours croissant de chercheurs de vérité et se manifeste de plus en plus souvent. Mais son message est toujours aussi énigmatique.

Décidément, toutes ces réflexions ne mènent à rien, songe Christian en augmentant le volume de la radio, alors que débute un bulletin d’information locale :

… ce matin à Chartres. L’homme, ancien dirigeant d’une secte néo-templière, condamné pour escroquerie dans les années quatre-vingt-dix, avait ouvert après sa sortie de prison un cabinet de voyance. C’est là qu’il a été retrouvé ce matin, le corps lardé de plusieurs coups de couteau. C’est vraisemblablement durant la nuit que le crime a été commis. Le mobile pourrait être l’argent, vu que le coffre-fort du cabinet de voyance a été retrouvé ouvert, mais eu égard au passé de la victime, aucune piste n’est écartée. La police ne dispose pour l’instant d’aucun indice concernant l’identité du meurtrier et se prépare à une longue et épineuse enquête.

Christian vient de passer Vendôme. Autour de lui s’étend une morne plaine de champs cultivés, la Beauce. La sensation de vide que lui inspire un tel décor lui révèle immanquablement le vide de sa propre existence, l’absurdité de son voyage, qui n’est qu’une fuite en avant. Qu’attend-il ? Qu’espère-t-il ? Frappé d’un soudain éclair de lucidité, il prend conscience de la folie de sa décision. Il repense aux tout derniers mots de son copain Thierry, ceux qui avaient clôturé leur dernière entrevue :

– Ecoute mon vieux, je vois que tu es chamboulé, et je ne vais pas te retenir. Mais tu sais pertinemment que le meilleur moyen de traquer le lapin blanc, c’est avec nous, avec Dany et Kader, ta bande de potes, et avec notre site web. Ne fais pas tout foirer. On sait que ce pays est dans la merde, et on sait à cause de qui. Le rideau du mensonge est en train de se déchirer, lentement mais sûrement. La dissidence est de plus en plus forte, de mieux en mieux organisée. Aujourd’hui, on nous traite de complotistes mais bientôt, tout le monde saura à quel point nous avons œuvré pour faire avancer les mentalités et balancer tous ces politicos foireux aux oubliettes. Je crois que tu as besoin de faire le point, je comprends et je respecte. Mais j’ai foi en toi et je suis sûr que d’ici quarante-huit heures, tu seras de nouveau parmi nous, regonflé à bloc.

Et si Thierry avait raison ? Et si Christian faisait demi-tour ? Le voici reparti dans des réflexions sans issue. A maintes reprises, il songe à s’arrêter sur le bas-côté de la route. Mais à chaque fois, il se l’interdit. Il revoit la cathédrale de Chartres, Edmond, se souvient du rendez-vous en Dordogne. Sa Modus continue d’avaler les kilomètres. Elle vient de passer Saint-Amand-Longpré et file vers Château-Renault. Il va bientôt falloir que Christian fasse une pause, de toute façon, et une bourgade telle que Château-Renault lui semble toute désignée.

Seulement voilà, ses plans pourraient bien être contrariés par une équipe d’employés de la voirie, affairés en nombre sur la N 10 à hauteur de Villechauve. Une déviation est mise en place et Christian s’engage en direction du village et de grandes parcelles boisées. Mais la signalisation laisse parfois à désirer et Christian se retrouve bien vite sur de petites routes qui le désorientent rapidement.

Il ne manquait plus que cela, se dit-il. Il faut vraiment qu’il arrête. Au bord des larmes, il s’en veut d’être aussi idiot et décide de retrouver la N 10, puis la première bretelle d’autoroute pour remonter vers Paris.

Et c’est à cet instant précis qu’il le voit…

Surgi de nulle part…

Un panneau publicitaire qui ne devrait pas être là…

Et qui s’adresse à lui…

panneau

A suivre…

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