J’ai lu : Achronides, de Sibile Dorne

Par Frédéric Candian, auteur de plusieurs romans, dont Deux âmes dans l’antre des fous (Publibook, 2002) et La communauté de Thésée (Edilivre, 2009), ainsi que du recueil de nouvelles Le langage des oiseaux (Edilivre, 2015). Son site web : www.fredcandian.fr

Faut-il encenser Achronides, le deuxième roman de Sibile Dorne? Sans aller jusque là, je dois admettre que dès les premières pages, mon attention s’est trouvée captée par le récit de cette descente aux enfers dans une Amérique aussi profonde que cauchemardesque.

Enfers, profondeurs. Le livre m’a secoué comme l’aurait fait un séisme de forte magnitude. Avec Sibile Dorne, le lecteur ne se trouve jamais très loin de la faille de San Andreas.

Le héros, Marc, n’en est pas un. Il a tout du anti-héros, du début à la fin. Perdant, perdu. Mais qui ne l’est pas dans cette histoire qui se termine encore plus mal qu’elle n’a commencé? Et ce n’est pas peu dire. Pourquoi le personnage principal porte-t-il un prénom français? L’information ne nous est pas donnée. Pourquoi le serait-elle? Marc n’intéresse personne, ne s’intéresse à personne sauf peut-être à celle qu’il a perdue une fois et qu’il reperdra. Définitivement.

L’intrigue commence à Montgomery, Alabama. Ni à New York, la fourmilière besogneuse, ni à Los Angeles, l’hédoniste excentrique. Non, loin des rêves, des cartes postales et des fantasmes, Montgomery, Alabama, est un trou paumé comme il en existe tant aux USA. Interchangeable avec la plupart d’entre eux. Les mêmes supermarchés, les mêmes fast foods, les mêmes traîne-savates, noirs ou blancs. White and black trashes.

Dans le morne quotidien de cette Amérique profonde, parfois, une catastrophe survient. Un drame. Un Ouragan. Une opportunité. L’opportunité d’un aller simple vers le malheur et la perdition.

Les poches pleines d’argent sale, Marc croit pouvoir s’évader, mais le road movie qui se joue alors dans le Sud-Ouest du continent ne le mènera jamais là où il croyait aller. Croyait-il, d’ailleurs, aller quelque part? Le lecteur est libre d’en douter.

Achronides n’est ni un polar, ni un road movie, ni un portrait de l’Amérique. Il est un peu tout cela, mais Sibile Dorne préfère le présenter comme un livre sur la mémoire et le temps. J’ajouterais que la narration prend vers la fin un tournant fantastique, lorsque le temps s’arrête. Littéralement.

Je ne dévoilerai rien de plus quant à l’intrigue. Je laisse le lecteur s’y plonger s’il en a le courage. Je ne porterai pas non plus de jugements sur les postulats de Sibile Dorne et sur sa critique de l’American way of life, je ne connais pas assez l’Amérique pour cela. Je me contenterai de saluer une écriture aussi maîtrisée que désenchantée, qui laissera peu de lecteurs indifférents, j’en suis sûr. Sibile Dorne est pour moi un auteur qui mérite d’être remarqué et qu’il faudra suivre. C’est pourquoi Achronides rejoint dès aujourd’hui la liste de mes coups de cœur.

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