J’ai lu : Le dernier salaire (chroniques d’une quinqua en fin de droits), de Margaux Delcourt

310derniersalairePar Fredel, auteur de Silereves hors du monde (Cephilia, 2015) et la trilogie de science-fiction Amina tales (Cephilia, 2015). Son site web : aminatales.blogspot.com

Je n’aime pas particulièrement lire la vie des autres, ou alors des gens illustres, à une autre époque, quelque chose de dépaysant ou la vie d’un écrivain que j’aime… Là j’ai eu envie de lire ce livre à cause de la rareté du sujet qui y est traité : la recherche d’emploi, ou « comment on se retrouve en fin de droit », pour faire simple. Il me semblait que peu sont ceux qui racontent cette partie de leur vie… Peut-être préfèrent-ils oublier ? J’avais lu quelque part que c’était très bien raconté, j’ai lu un extrait et vu qu’effectivement, la prose était de qualité.

Mais la vie n’est pas simple, et résumer ce livre non plus.

Il y a des bouquins, comme ça, qui vous touchent tellement que vous avez des « sentiments » pour eux, et que vous ne vous sentez pas le droit d’en faire une chronique. Qui suis-je, après tout, pour donner mon avis sur le récit de la vraie vie de Margaux Delcourt ?

Paris, Margaux a 48 ans lorsqu’elle est licenciée après un harcèlement moral « musclé ». Croyant en sa bonne étoile et surtout en sa capacité à « rebondir » elle va vite se retrouver confrontée aux réalités de la vie professionnelle de l’époque.
Alternant dérision, humour corrosif, tristesse, colère, elle nous emmène dans son long parcours pour ne pas, un jour, recevoir son dernier salaire ; terme élégant qu’elle attribue aux allocations chômage.
Le premier livre de Margaux Delcourt relate partiellement ses aventures, celles que traversent ou ont traversé de nombreuses personnes en quête du Graal des temps modernes qu’est « l’emploi ».

Ce que je peux en dire c’est que ce livre va vous toucher, vous émouvoir, mais pas seulement. Parce qu’on ne s’y ennuie jamais, on a envie de connaître la suite des « aventures » de Margaux, exploratrice de la jungle de la recherche d’emploi. Margaux Jones et le temple maudit. Car celle-ci ne manque pas d’humour ! Cet humour ravageur et caustique, qu’on pourrait qualifier de désespéré s’il ne restait pas mesuré (ce n’est pas « lourd ») et surtout si l’héroïne de cette histoire n’avait pas ce courage d’essayer encore et encore, cette soif de vie que je souhaite à beaucoup. Ainsi on passe du rire aux larmes. C’est la vraie vie, capable de changer du tout au tout, avec ses éclats de soleil et ses coups tordus, ses sommets et ses gouffres, ses surprises et ses blues, et toute une panoplie de beaux être humains  mais aussi de fêlés consternants dont chacun a dû rencontrer quelques spécimens. On se retrouve un peu dans Margaux, à différents niveaux, et je souhaite à ceux qui n’y retrouvent rien de lire ce livre pour prendre un petit coup de vraie vie dans la g… Bon, je m’emballe, je vous avais dit que ce n’était pas simple d’écrire sur ce livre !

On s’attache énormément à la narratrice. Il ne s’agit pas seulement d’emploi, mais également des copines, de la famille… Elle nous fait l’aimer et également aimer les personnes qui lui sont chères. C’est tellement bien écrit ! Margaux nous parle, comme si vous l’aviez en face de vous (mais l’avons-nous mérité ?), l’écriture coule comme du petit lait, sans accrocs, on se voit sourire ou avec la gorge nouée… Peut-être suis-je un peu trop sensible pour chroniquer un livre tel que celui-là !

J’ai aimé ce regard sur la vie, sur les « bobos », sur l’hypocrisie, le manque d’humanité de certaines personnes. Ce n’est jamais injuste, et de toute façon l’auteure dit bien que c’est ce qu’elle ressent elle, et qu’elle a bien le droit de l’écrire. Comme cette réflexion sur le fait qu’il est de bon ton que les demandeurs d’emploi en fin de droit, qui nous narrent leurs péripéties, finissent leur récit par une note d’optimisme… Et bien non ! Margaux revendique le droit de ne pas faire l’hypocrite. Et c’est bien là, en plus de tout ce qu’on apprend par rapport aux dispositifs plus ou moins bidons de Pôle-emploi, pour moi c’est là que le livre prend une dimension sociale et d’utilité publique : il crie « chômeurs de longue durée, nous avons le droit de dire non, ce n’est pas juste ». C’est un peu le « indignez-vous » d’il y a un petit moment (d’ailleurs, où on en est ?). Mais c’est beaucoup plus que ça, parce que le « indignez-vous » ce n’est pas du bla-bla, là il est écrit en lettres de sang au fil des jours d’une vraie personne. Et je vous jure, moi si j’étais patron, cette personne-là je ferais tout pour l’avoir à mes côtés. J’aurais besoin de sa clairvoyance pour ne pas m’entourer de cons !

 A la fin du livre je quitte une amie, j’ai envie de savoir la suite, je souhaite le meilleur à Margaux. Et si ce que vous lirez dans « le dernier salaire » vous révolte je vous enjoins de faire un petit tour sur cette page : https://secure.avaaz.org/fr/petition/Myriam_El_Khomri_Presenter_mon_livre_Le_Dernier_Salaire_Une_quinqua_en_fin_de_droits/?cqUyKjb

Enfin, un dernier petit mot : Margaux, s’il te plaît, écris-nous encore un livre ! Ce que tu veux, ta vie, un roman, un essai, ce que tu veux mais tu as une si belle plume que j’espère un autre livre de Margaux Delcourt !

8 comments

  • Merci Fredel, pour cette très belle chronique. En fait, les problèmes soulevés par Margaux Delcourt ne sont pas si marginaux que ça. Je me permets de citer par exemple le livre d’Alain Silver, « 54 ans, chômeur, et toujours vivant… » paru l’an dernier chez Tatamis.
    En parler ne règle rien, mais montre à quel point notre système est essoufflé, voire moribond. Mais peut-être bien que le problème vient en partie de nous, quadras et quinquas confrontés à la précarité. Nous avons de l’expérience, nous avons des compétences, mais nous ne savons pas les unir pour rebondir.
    Qui croit encore en l’Etat providence, en Pôle-Emploi ? ce sont ces institutions nécrosées qui bloquent toute possibilité d’élan. Ce pays manque clairement de liberté, de clairvoyance, d’espoir. Sortons de ce carcan !
    C’est ce que j’essaie de faire avec L’ami des auteurs, mettre mes maigres compétences au service de ce qui n’existait pas jusqu’alors, un vrai média destiné à mettre en lumière les centaines de milliers de petits auteurs qui pourraient s’en sortir rien qu’avec leur talent d’écrivain si seulement on leur accordait une petite place dans l’espace médiatique et public.
    Fredel, tu parles d' »Indignez-vous ! » et justement parlons-en ! Faire un tel battage médiatique avec quelques pages de lieux communs alors que tant de gens ont bien mieux à dire.
    Voilà tout le problème de ce pays, confier le monopole de la parole et du pouvoir à des guignols grabataires.
    Remettons ces momies à leur place, six pieds sous terre, et prenons la parole. Ecrivons, inventons, avançons.
    Seul, c’est difficile mais faisable.
    A deux, c’est mieux, n’est-ce pas Fredel ?
    Alors à plusieurs…

  • Bonjour,

    Je suis très touchée par votre retour sur mon livre. Très car vous comprenez ce que j’ai voulu écrire, vous ne l’avez pas seulement lu, vous l’avez compris.

    Merci.

    Je voudrais que nous soyons plus nombreux, plus réunis. Que nous soyons ensemble pour lutter, réunir nos forces et nous donner les moyens. Mais voilà, nous ne le faisons pas. Pourquoi ? Là est la question…à laquelle personne ne me répond.

    J’ai lançé une pétition sur un sujet d’actualité et j’ai reçu peu de soutien.

    Je renonce…..je me laisse couler et j’attends. Je suis lasse.

    Merci à vous. Vraiment.

    • Vincent Patrick

      Merci Merci pour ce témoignage.
      J’ai deux belles soeurs dans votre cas. Quant à ceux qui comme moi sont encore dans le monde du travail à 50 ans, ils ont le choix entre survivre en se tuant moralement au boulot en dépit du harcèlement et coûte que coûte ou être au chômage.
      Quand je vois comment ont est considéré après 40 ans dans le monde du travail, je me dis que dire que la solution est d’allonger l’âge légal de la retraite est contrairement à ceux qui disent cela d’une lâcheté impressionnante.
      Il faudrait créer une chaine tube avec des témoignage vidéo d’employés ou ex employés. Je vous remercie donc d’avoir écrit ce livre qui va beaucoup aider pour trouver des solutions pour la société.MERCI encore

  • Margaux,
    au chômage sans indemnités, j’ai créé ce site.
    De fil en aiguille, j’ai rencontré Fredel, également auteur, également dans une situation précaire.
    De là sont nés des idées, des initiatives, des actes.
    De fil en aiguille, nous vous rencontrons aujourd’hui.
    Il n’y a aucune raison pour que ça s’arrête.

    • FAREZ Jean-Pierre

      Bonsoir MARGAUX, je viens de voir votre reportage sur FR2 ,il m’a touché. Actuellement retraité, j’ai eu la chance de trouver du travail à 50 ans…. en SUISSE. J’habite à 5 km de la frontière Je vous propose de vous installer quelque temps chez moi ( J’ai une petite chambre libre) , et de vous aider à trouver du travail en SUISSE, c’est plus facile qu’en France. Merci de me répondre, en tout cas bon courage. JEAN-PIERRE

  • Bonjour
    Je sais que je ne suis pas seule après un divorce une licenciement un enfant gravement blessé .Et une fin de non recevoir un vrai salaire un chômage qui se réduit peut a peu .Être dans dans l’obligation de quitter son logement trop cher .Vivre dans l’incertitude chaque jour et finir dans sa voiture pendant un an ……Je vais vais 60 ans et je dois tenir encore encore et encore avec 16.euros par jour je ne compte les centimes je les garde de coté pour pouvoir me payer un voyage de dernière minute .Rechercher un travail quand l’on est sénior m^me avec un diplome c’est le parcours du combattant

  • Bonjour Margaux,
    J’ai 50 ans, et je suis sans emploi depuis fin août 2015. Nous avons presque le même vécu.
    Malgré mes 25 ans d’expérience professionnelle, toutes les portes se ferment, nous sommes effectivement reconnus comme « vieux » sur le marché du travail. Et pourtant, nous avons été les premiers à former nos petits jeunes qui arrivaient sur le marché du travail, à les monter vers le haut pour qu’ils réussissent au mieux leur première expérience professionnelle.
    Aujourd’hui, les employeurs ne regardent pas vos compétences, votre expérience mais si vous avez le master, un diplôme qui n’existait pas lorsque je suis arrivée sur le marché du travail en 1989.
    Le pôle emploi est impuissant, les conseillers sont limités dans leurs démarches, ils ne peuvent rien pour les demandeurs d’emploi.
    Pour moi, ce n’est que le commencement d’une galère …
    Un grand bravo pour ton courage !!!!!

  • C’est mon mari qui vient de me parler du dernier salaire suite à une interview de son auteur à l’occasion des présidentielles….et oui aucun candidat ne se soucie de nous les séniors qui restons sur le carreau après s’être investi corps et âme dans le travail pendant 30 ans et plus…je me suis battue pour rebondir une premiere fois à 48 ans ou j’ai refait une année d’étude pour obtenir ce fameux master et avoir plus de chance de retravailler…j’ai bien retrouvé un emploi avec ce diplôme, avec un salaire de débutante bien entendu malgré mes 25 ans d’expérience et en plus loin de mon domicile… et tout ça pour être de nouveau licenciée 4 ans plus tard. Mais cette fois, plus question de faire encore plus de concessions et après 3 ans de chômage, la valeur travail que j’avais bien trop intégrée dans ma vie, s’est envolée avec mes illusions…je n’ai plus envie de travailler ni d’ailleurs de faire du bénévolat pour la société malgré tout mon temps libre. La société ne veut pas des seniors qui plus est des séniors femmes de plus de 45 ans…et bien messieurs les séniors politiques de 45 à plus de 70 ans, je m’abstiendrais aussi de voter et encore moins de faire 3h de route pour mettre un bulletin blanc dans l’urne. Je serai une chômeuse sénior abstentionniste, une de plus.

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