J’ai lu : Pensées épistolaires, de Philippe Laperrouse

310Laperrouse_PenseesEpistolairesPar Frédéric Candian, auteur de plusieurs romans, dont Deux âmes dans l’antre des fous (Publibook, 2002) et La communauté de Thésée (Edilivre, 2009), ainsi que du recueil de nouvelles Le langage des oiseaux (Edilivre, 2015). Son site web : www.fredcandian.fr

Suite à mon article de bienvenue qui lui était consacré, Philippe Laperrouse a souhaité m’envoyer son dernier livre, Pensées épistolaires.

Et c’est bien sous forme de lettres que Philippe Laperrouse livre à ses lecteurs un certain nombre d’observations bien senties de notre société. La plupart de ces lettres sont adressées à des destinataires qui n’existent pas, ce qui suggère déjà l’effort admirable mais inutile, la flèche destinée à n’atteindre aucune cible, la conscience que tout est perdu d’avance.

Pessimiste, Philippe Laperrouse? Non, l’auteur a dépassé ce stade. Le qualificatif « cynique » lui conviendrait mieux. D’ailleurs, dans Lettre au cynique du coin de la rue, Philippe Laperrouse se met aisément au niveau de son correspondant :

Je vais te parler comme un chien à un chien.

On sent que le mimétisme n’est pas très difficile pour Philippe Laperrouse. C’est que notre auteur en a vu, du pays, et il en a croisé, du monde, y compris un type qui l’a pris pour quelqu’un d’important. En conséquence, il a beaucoup à dire à beaucoup de monde, de l’inventeur de la télé aux femmes qui marchent avec des talons aiguilles en passant par le buraliste du bout de la rue. Chacun en prend pour  son grade, qu’il ne représente que lui-même ou une institution :

A Pôle-Emploi, j’ai observé aussi cet étrange phénomène : quand vous êtes au bas de l’échelle, la société s’assure que vous y restiez.

Heureusement, Philippe Laperrouse agrémente sa prose épistolaire d’un humour féroce qui adoucit l’acidité de sa plume. D’ailleurs, l’auteur ne se donne pas nécessairement le beau rôle :

Ce soir, vous, mes pairs dans l’immoralité vous avez bien voulu honorer enfin mon talent d’escroc intellectuel.

Je n’irai pas jusque là. Je me bornerai à dire que j’ai découvert dans l’écriture de Philippe Laperrouse les indices de la présence d’un être suffisamment malmené par la vie pour avoir su en rire, ce qui me semble être un gage  d’authenticité et de talent. Et comme il veut que cela se sache mais pas trop, il frise parfois l’auto-analyse :

Et si des écrivains se donnent la peine d’informer leurs semblables, il est possible (mais pas certain) que leurs messages présentent de l’intérêt.

Sur ce sujet, Philippe Laperrouse conclut avec lucidité :

Ejectés du monde du travail, nous nous sommes trouvés libres d’emprunter la dernière voie disponible aux esprits incapables[…], rejetés par la foule des esclaves de la normalité sociale. J’ai désigné la littérature et plus précisément l’écriture.

Au final, toutes ces lettres aussi drôles que désespérées, toutes ces lettres que Philippe Laperrouse n’enverra jamais s’adressent avant tout à lui-même :

Après avoir voulu renverser la société, tu subis aujourd’hui, prostré et incrédule, une ambiance de fin de civilisation à laquelle tu as largement participé, tout en ayant eu le temps de la voir venir.

Et si toutes ces lettres n’en formaient qu’une? Une lettre qui devrait être envoyée à nos chers candidats à la prochaine élection présidentielle. Mais non, pardon, on sait pertinemment que tous autant qu’ils sont, ils se moquent pas mal de l’état de la société et des citoyens qui l’animent.

Ils ne liront pas le livre de Philippe Laperrouse, mais vous, vous le lirez.

En tout cas, L’ami des auteurs vous y invite.

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