J’ai lu : Gang Bang de Séphora Swan

Par Frédéric Candian, auteur de plusieurs romans, dont Deux âmes dans l’antre des fous (Publibook, 2002) et La communauté de Thésée (Edilivre, 2009), ainsi que du recueil de nouvelles Le langage des oiseaux (Edilivre, 2015). Son site web : www.fredcandian.fr

Le moment est venu d’éloigner les enfants de l’écran. Pour les plus petits, qui ne savent pas encore lire, c’est moins grave, vu que cet article ne contiendra pas d’images explicites. Mais bon, par acquit de conscience, la lecture de cet article, et surtout du livre qu’il commente, Gang Bang, de Séphora Swan, est à réserver à un public majeur et averti.

Soyons honnête, lire l’autobiographie d’une ancienne actrice porno n’est jamais exempt de voyeurisme. Le contraire, ce serait un peu comme lire Le Petit Détective en espérant ne pas y trouver des histoires de victimes torturées, dépecées ou démembrées. A croire que l’attrait des univers glauques, quels qu’ils soient, est inhérent à la nature humaine.

Du voyeurisme, il y en a, donc, dans le récit autobiographique de Séphora Swan, qui casse ici, définitivement, le mythe du porno-chic propret tout juste bon à encanailler les fins de soirée de l’abonné à Canal +. Séphora Swan nous entraîne, à travers les pages de son premier livre (disponible en version numérique uniquement, me semble-t-il), dans les abysses du gonzo, qui se tourne à la va vite dans des lieux crades et des conditions sordides, et qui donne libre court aux plus bas instincts d’une frange (d’une fange?) de l’humanité dont on vient même à douter de l’existence, tant la répugnance qu’elle nous inspire est grande.

Ne jugeons pas ! Qui sait de quoi nous sommes capables? Ou coupables? La plupart d’entre nous ne se confrontent jamais aux profondeurs de leur être. Mais Séphora Swan, se délestant au passage de son identité civile de Camille Brodier (nom d’emprunt, bien sûr), l’a fait. De gré ou de force, mais plutôt de force, pervertie dès sa plus jeune adolescence par un beau-père aussi alcoolique qu’incestueux. Détruite dès ses plus fraîches années, Séphora Swan glisse rapidement dans la marginalité, la prostitution et la drogue. De là au tournage de films porno de bas étage, il n’y a qu’un pas, rapidement franchi.

Pour Séphora Swan, le suicide aurait pu constituer l’ultime recours, mais le destin en a heureusement décidé autrement. Le thème de son livre n’est d’ailleurs pas uniquement une description de l’univers du porno trash, mais plutôt son évasion de ce milieu, grâce à une rencontre providentielle grâce aux livres (on ne remerciera jamais assez les livres de changer nos vies).

C’est en effet dans une bibliothèque que Séphora Swan fait la rencontre du séduisant et riche Alex, dont elle s’éprend sur le champ, et qu’elle va s’évertuer à séduire à son tour, bien évidemment sans lui révéler sa triste condition d’esclave sexuelle maltraitée et sous-payée. Pour ce faire, Séphora Swan va devoir s’inventer une vie de toutes pièces. Pour commencer, un métier dans un domaine auquel elle ne connaît rien, et ce sera fleuriste. Ensuite, un palmarès prestigieux dans un sport auquel elle n’y connaît pas davantage, et ce sera le tennis. Pour plaire à son prince charmant, Cendrillon s’invente un spacieux duplex dans les beaux quartiers, une flopée d’amis tous plus passionnants les uns que les autres, et une vie cultivée, emplie de nombreux centres d’intérêts. Ainsi, à ses nombreuses turpitudes, Séphora Swan ajoute la manipulation et le mensonge, ce qui achèvera de la convaincre de son inutilité en ce monde.

Bien entendu, je n’en dirai pas plus sur l’intrigue, que vous aurez plaisir à découvrir par vous-même. La plume de Séphora Swan vous guidera du rire au dégoût en passant par la pitié et le malaise le plus profond. La conclusion de ce récit rocambolesque, émouvant au possible, vous arrachera sûrement même quelques larmes. Le livre est captivant, écrit en toute simplicité mais avec la colère et le ton juste qui siéent à ce type de témoignage, émouvant et bouleversant.

Le côté romancé, dont l’auteure ne se cache pas, me semble évident dans certains passages, comme l’épisode hilarant du supermarché, par exemple. L’effet Pretty Woman fonctionne plutôt bien, même si la touchante naïveté de la midinette Camille Brodier tranche quand même un peu avec la désillusion de la hardeuse Séphora Swan. Rien de bien méchant, et rien qui ne déséquilibre l’association Docteur Camille et Miss Swan.  

Tout ce qu’il faut retenir, donc, c’est que L’ami des auteurs vous recommande la lecture de Gang Bang, de Séphora Swan, avec toutes les réserves qui s’imposent, car cet improbable conte de fée n’est pas adapté à toutes les sensibilités, ni tous les âges, bien entendu.

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