J’ai lu : Croix de fer, de Louis le Baraqué

310croix-de-fer-louis-le-barquePar Frédéric Candian, auteur de plusieurs romans, dont Deux âmes dans l’antre des fous (Publibook, 2002) et La communauté de Thésée (Edilivre, 2009), ainsi que du recueil de nouvelles Le langage des oiseaux (Edilivre, 2015). Son site web : www.fredcandian.fr

Croix de fer, le livre de Louis le Baraqué publié par la Compagnie littéraire, a été préfacé par Marc Vouillot, connu pour avoir été champion de force athlétique et de culturisme, et l’un des plus célèbres entraîneurs dans ces disciplines. Et Marc Vouillot ne ment pas lorsqu’il écrit dans sa préface que le livre de Louis le Baraqué vous laissera les bras en croix.

Ainsi, un livre qui pourrait n’être que l’épopée de quelques gros bras accros à la testostérone va vous plonger dans une réalité bien plus sombre et troublante que celle de quelques biceps bien huilés.

C’est que voyez-vous, Louis le Baraqué avait tout pour être heureux. Un physique d’athlète, sa passion de la gymnastique et de la musculation, son amour pour les femmes, le cinéma, son quartier de Montmartre, pour la vie, en somme.

Son amour pour l’écriture? Pas vraiment : Louis le Baraqué qualifie son écriture d’affreuse. Quant à la belle écriture, il la considère comme la science des imbéciles. Alors pourquoi écrire un livre? C’est là le point essentiel. Louis le Baraqué n’écrit pas, il jette des phrases tronquées, hachées, comme autant de fulgurances incisives. C’est qu’il a beaucoup à dire, le Baraqué, mais beaucoup à cacher aussi, par pudeur ? Par crainte d’un ennemi invisible ?

Paranoïaque ou lucide, Louis le Baraqué construit donc, ou plutôt déconstruit son livre pour en faire un puzzle. Ce sera autant de temps gagné sur cet ennemi invisible qui a détruit sa vie.

Croix de bois, Croix de fer. Que Louis le Baraqué mente ou non, qu’il exagère ou non, sa vie n’en reste pas moins un enfer. Cela avait pourtant bien commencé. Le café familial à Montmartre, les anecdotes sur les clients et leurs brèves de comptoir. Et puis il y a eu le service militaire au sein des services de renseignement. Là, une partie de sa hiérarchie et de ses camarades le prend en grippe. Pour quels motifs ? Début du cauchemar et de la descente aux enfers.

Peu après commencent les ennuis psychiatriques, les internements, les traitements de choc qui rendent le beau gosse insomniaque et impuissant. Non, Louis le Baraqué n’est pas fou. Il sait que son mal vient de son passage chez les barbouzes. Son ennemi invisible s’appelle « On ». Et « On » met tout en oeuvre pour faire souffrir notre Baraqué. Mes aliments ont été drogués.

La folie est supposée, mais la souffrance est bien réelle. Alors Louis le Baraqué se bat, envers et contre tout. Avec l’énergie du désespoir, il s’accroche aux amis, aux aventures de James Bond ou à ses séries télé favorites, Les mystères de l’Ouest et Amicalement vôtre. Il s’accroche aussi, malgré la déchéance physique, aux entraînements, malgré l’impuissance, à la recherche de l’amour, et malgré l’incompréhension et l’hostilité de ses proches, à cette famille qu’il chérit par dessus tout.

J’écris finalement pour me faire entendre des miens, conclut finalement Louis le Baraqué, plein d’amertume.

Le puzzle, au final, c’est à vous de le reconstituer, et lorsque vous l’aurez fait, vous vous poserez immanquablement, vous aussi, la question : Croix de bois, croix de fer, et si Louis le Baraqué disait vrai ? Cela ne lui a pas épargné ni l’enfer, ni l’obligation de porter sa Croix, voilà la seule certitude. Pour le reste, il ne vous restera que des questions. Et c’est probablement à ce stade que vous vous demanderez, comme moi, si vous n’allez pas vous replonger dans la lecture de Croix de fer, histoire de voir si vous n’avez pas égaré en route quelques pièces du puzzle.

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