interview de Vincent Blénet par Sandrine Turquier, poétesse 1/3

À l’occasion de la sortie de son nouvel ouvrage « Mort sûre d’amours » publié aux Éditions « La Compagnie Littéraire », l’auteur Vincent Blénet qui signe ici son dix-septième roman répond aux questions de Sandrine Turquier poétesse.

Sandrine Turquier : Vincent Blénet, bonjour, « Mort sûre d’amours », est votre dernier ouvrage publié aux Éditions « La Compagnie Littéraire », considérez-vous qu’il représente le livre de la maturité et du dépassement de soi par la puissance de vos confidences où les faiblesses, les forces et la révolte sensuelle et sociétale qui brûlent en vous dénonce plus que jamais votre incompréhension d’un monde déséquilibré et dans lequel vous vous sentez toujours rejeté et incompris ?

Vincent Blénet :

J’avance au fur et à mesure de mes ouvrages, péniblement, difficilement, parfois à reculons sur un fil vertigineux, j’avance comme un otage de l’existence au-dessus d’un champ de mines explosives, radioactives, je fais mon cheminement, progressivement et chacun de mes livres illustre mon évolution de vie. D’ailleurs mes titres ont un lien avec mon état d’esprit du moment et du temps d’écriture de l’ouvrage qui est publié.

Effectivement ce dix-septième livre est le plus proche d’une maturité acquise douloureusement. Plus j’approche du monde extérieur, plus j’assimile la désillusion, le désespoir, plus je renforce mon armure. Et la méfiance est une leçon tragique qu’il nous faut apprendre pour mieux avancer sur le terrain miné sociétal.

La maturité comporte l’aveu de ses faiblesses, la confession de ses fautes, ainsi que l’affirmation de son cynisme envers le monde autour de nous. Mais la maturité n’exclue pas nos ignorances à corriger sur ce qui nous entoure.

Tragiquement j’ai su avancer en sombrant dans la colère, la haine et la vengeance. Au lieu de toujours subir mes propres frayeurs, j’ai baisé farouchement avec mes propres terreurs dans l’objectif de mieux vivre avec tous les tourments qui encombrent mon âme et mon subconscient. J’ai vécu trop longtemps soumis aux volontés de mes peurs et de mes T.O.C.

Etant une victime intérieurement, un introverti, timide maladif, compulsivement effacé et renfermé sur moi-même, pour m’affirmer et m’affranchir devant ceux qui m’ont toujours toisé avec arrogance, j’ai fait le choix d’être ce croquemitaine habile des chaos, jongleur rusé des frayeurs et peinture vivante du blasphème identitaire, de l’hérésie humaine et de la provocation rentre-dedans, qui dévaste les pudeurs bienséantes de la société de normaux. Ma façon à moi, mon mécanisme de protection, de défense, c’était d’étaler avec nonchalance toutes les peurs infimes et intimes des gens normaux afin de trouver une faille à ces « adversaires » et d’avoir le dessus sur ces « oppresseurs » qui durant trop longtemps ont été mes bourreaux dominants, jusqu’à ce que la chenille brise la carcérale chrysalide de la honte étouffante pour déployer mes ailes de vengeance et de cauchemars effroyables.

Ça n’est pas la meilleure option de vie, certes, mais c’est celle que j’ai pu trouver pour survivre et me préserver de toutes les trouilles qui me hantent inlassablement, à chaque instant, tous les jours.

Même si la haine est très mauvaise conseillère. Avancer dans l’existence en devant balayer mes regrets, mes traumatismes pour tenir la cadence de la partie de cartes est une lourde épreuve pour moi. Je suis une éponge, j’absorbe tout le flux d’émotions, d’hostilités extérieures, tout ce que les normaux savourent comme acquis de droit, cela m’est inconnu, carrément d’ordre d’une dimension parallèle. Aussi lorsque je regarde les femmes avec les babines en feux, ce n’est pas pour être un cliché de gros pervers qui mate comme un cochonou. Non. C’est parce que le désir, la sensualité féminine, l’amour et la tendresse complice avec les femmes je ne connais pas, je n’ai jamais pu dire « je t’aime » à une partenaire, je n’ai jamais été aimé par une fille, jamais de toute ma vie. En revanche moi j’ai aimé de nombreuses fois, en silence, en résilience, j’ai beaucoup aimé, mais je n’ai jamais été aimé par une fille.

L’exclusion et la déshumanisation m’ont permis d’écrire beaucoup de textes, ça a nourri la teneur et la texture de mes livres. En revanche je suis encore, parfois plus, déstabilisé par les codes d’aujourd’hui, le monde m’est confusion, je suis paralysé à l’idée d’avancer. Il faut préciser que ma tentative des trois années passées dans le monde des vivants (les normaux du centre-ville Montpelliérains) m’a encore plus détruit, déphasé, affecté et déstabilisé sur comment faire, bouger et parler. Ici les abandons et les trahisons sont complices de l’hypocrisie et les mensonges.

J’ai perdu le fil et à présent l’énigme des gens me fait rester figé et en retrait d’eux, bien plus qu’auparavant.

Je suis en déséquilibre permanent avec mes choix et mes gestes dans le cours de la vie de tous les jours. En vrai j’ai si peur d’agir, de vivre, de choisir, de faire, qu’en fin de compte je suis plus à l’aise dans l’observation de la vie plutôt que d’interagir dans la vie. J’ai tellement peur d’avoir à nouveau mal, de souffrir encore, que je reste loin et en retrait de l’existence.

Avec mes livres, j’essaie de communiquer avec le monde, je pose les questions, j’anticipe les réponses le plus souvent, mais d’une certaine façon tout ce que j’écris et les débats que je jette sur la table des joueurs c’est également les questionnements que je me pose à moi-même.

Ne sachant rien, lâché en pleine jungle hostile qu’est la vie, j’interroge et souvent (trop souvent même) j’accuse autrui, mais également je m’interroge et je m’accuse moi-même.

Se sentir perdu et confus me pousse à retranscrire beaucoup de mes états d’âme à travers mes récits. J’essaie de progresser en tant qu’auteur, d’enrichir ma plume, d’embellir ma prose, de renforcer mon écriture, de la faire grandir, de la faire évoluer, qu’elle devienne plus mature.

Mais je me sers de mes livres pour m’aider à parler avec le monde, d’expliquer à défaut d’excuser mes colères, mes excès, mes crises de folies, mes scandales, mes blasphèmes et mes erreurs de parcours. Etant incapable de bien répondre lorsqu’on m’interroge verbalement, parfois je parviens à mieux répondre à travers mes écrits, imaginaires et pamphlétaires.

J’ai tellement la trouille d’avancer que j’avance par le biais de mes livres.

Sandrine Turquier : Votre ouvrage se compose de trois parties, une ouverture en éventail – Biographie, roman, poésies comme trois clameurs.

Votre ange anonyme que l’on retrouve dans la partie romancée de « Mort sûre d’amours » n’est-il pas le Dante des temps modernes subissant et accusant par le même coup la manipulation politique et scientifique ainsi que les affres de l’hyper sexualisation dénuée d’affects ?

Vincent Blénet :

C’est drôle car je n’avais pas directement pensé à « l’Enfer de Dante », pourtant même si je n’ai pas encore lu l’ouvrage intégral, cette œuvre a posé son empreinte dans mon inspiration et dans mon subconscient de vie quotidienne.

Il est vrai que ma traversée de vie est une forme d’aventure Dantesque, un cercle après l’autre. Et le sentiment que j’éprouve avec cette pandémie c’est un mini traversé sur plusieurs cercles de chaos infernaux Dantesques.

La vie s’est truffée de douleurs, d’injustices et de désespérances. Le matérialisme ainsi que la surconsommation ont aidé à masquer l’horrifique réalité dépressive de l’existence moderne. Les gens se noient dans des achats inutiles, la publicité surcharge de fadaises et les médias n’informent plus, ils font un matraquage d’esprit afin de conditionner les mentalités, mais également les décisions communautaires, groupées et disciplinées, à savoir comment penser, comment réfléchir, comment agir et réagir. Désormais la plupart des gens laissent leur télévision penser à leur place. Le tragique est que dès qu’une personne va penser avec divergence du politiquement correct, commercialisé et prédéfini dans les cervelles bien lessivées, la masse de crétins populaires va lui pourrir la vie, parfois jusqu’à des extrêmes, sous le prétexte que cette personne est « complotiste », qu’elle porte atteinte aux valeurs de la paix citoyenne et de l’ordre civique. D’ailleurs aujourd’hui l’ordre civique me fait penser à une espèce de secte aux fidèles, cervelles lavées, disciplinés, tous alignés et radicalisés, prêts à éliminer son prochain pour le bien commun de la république.

Jamais le monde moderne n’a su accepter les personnes différentes, jamais il n’a su aimer ceux qui ne sont pas dans la norme, ceux qui ne lui plaisent pas, jamais.

La chasse à la sorcière existe encore, elle a toujours perduré à travers le temps, s’adaptant aux mœurs de l’Histoire, au degré des époques. L’Histoire est gorgée de génocides, ponctuée de conquêtes baignées par le sang, comme on dit « l’Histoire est rédigée par les vainqueurs ».

Je ne suis pas pour un renversement violent, ni pour une émeute, bien au contraire. Je trouve déjà notre système de vie, de pensée, trop subversif, corrosif, incapable de savoir coexister avec les autres philosophies alternatives. A mon sens, que les mainstreams soient là certes, mais qu’on nous écrase au rouleau compresseur, qu’on nous assassine et qu’on nous étouffe, je regrette, ça non ! En quoi les dérangeons-nous ? Ils ont la majorité d’abrutis à s’occuper, alors pourquoi ne pouvons-nous pas respirer dans notre coin, on ne dérange personne. L’exclusivité, la possession de pouvoir, ça c’est la nature humaine et elle est comme ça depuis des millénaires.

C’est normal qu’il y ait des avis contestataires sur les évènements d’actualités. Essayez de voir par le passé, croyez-vous que vous auriez eu toutes vos avancées technologiques, vos bébés éprouvettes, vos fascistes féministes LGBT+, vos modernités existentielles dans vos bars, vos mœurs, vos chansons criardes dénuées de musique et de notes mélodiques, toutes Twittées à l’outrance et packagées dans vos Spotify déshumanisés ?… Croyez-vous sincèrement, honnêtement, vraiment, que tout cela aurait été possible si personne n’avait contesté les idées bien-pensantes d’entre-temps ?… Est-ce que votre roi préféré Louis XIV aurait aimé recevoir et applaudir votre Eminem ?… Honnêtement votre Booba, votre Gims, votre Eminem auraient fini à la guillotine ou fusillés dans les jardins Versaillais afin de divertir les monarques bourgeois, et vous tous vous auriez applaudi le carnage en scandant éloges à cette royauté. Les mentalités retournent leur veste au fur et mesure que les époques changent. L’humain n’a pas d’honneur, ni rien d’ailleurs, sa valeur se vend au plus offrant. L’humain n’est que corruptible. J’ai été le jouet des normaux, donc je sais à quel degré le narcissisme de l’humain est dangereux, vicieux même.

Sans les révolutions il n’y aurait jamais eu de progrès, l’humanité en serait encore à l’âge de pierre, pensant que la terre est plate et que le ciel va leurs tomber sur la tronche !

En ce qui concerne l’hyper sexualisation dénuée d’affect, les mentalités modernes deviennent de plus en plus glacées, dénuées d’émotions. La société met en valeur l’affirmation narcissique, le dépassement de soi, ne jamais pleurer, jamais être triste, jamais dévoiler une quelquonque faiblesse, être parfait toujours parfait. La pub sur le parfum pour hommes d’Hugo Boss révèle bien cet aspect valorisant de l’être humain moderne. Un gars jeune mais pas trop, un mec blond, baraqué, coiffé millimétré, fort et insensible, habillé dans un costard coûteux et de marque, vivant dans un triplex luxueux New-Yorkais et ayant une situation financière très très confortable, travaillant comme chef, telle est la perfection sociétale à acquérir aux consommateurs (tellement cons, cons-ditionnés, cons-sanguins, cons-somatisés).

Ils créent donc l’offre et la demande sur la base d’une exigence futile, inhumaine et inutile. Cependant ça booste l’orgasme des demoiselles, donc pour faire l’amour avec les jolies gazelles toute la nuit…. Payer ces choses matérialistes dont vous n’avez pas besoin mais que le système rend indispensables afin d’oxygéner votre âme étranglée par ce désir sensuel si vital et pour lequel les féministes ultras vous mettent en prison, condamnés au vitriol parce que vous avez l’effroyable tort d’être attiré par la grâce érotique féminine.

Jamais vous ne verrez dans vos publicités un mec caucasien, un peu gros, pas habillé de marque, ni blindé d’argent, un peu hors du hype-system et avec des imperfections (tant qu’on y est chargeons la mule) avec une fille jolie, sympa et craquante. Bah non, ce n’est pas vendeur, ce n’est pas vendable, ça n’aide pas le mensonge commercial.

La déchéance des relations sexuelles entre les gens s’est extrêmement dégradée actuellement. Le plaisir se rapproche du sadomasochisme. En effet pour qu’elles kiffent l’acte, elles veulent être giflées, fessées et même parfois insultées. Lorsque je dois survivre sensoriellement, je dois me munir de mon téléphone portable connexion wifi. Debout dans ma salle de bain, rêvant que j’ai réussi à conquérir une des nombreuses « déesses » merveilleuses, attrayantes jouvencelles qui traversent le centre-ville pour aller acheter des inepties farfelues et très coûteuses. Je fantasme davantage d’emballer les jolies princesses qui passent sur mon chemin, ou bien qui prennent le tramway et Dieu, qu’est-ce qu’elles sont belles ! Leurs silhouettes si jolies, si sexy…. Bref, j’ai plus de rêves fantasmatiques érotiques avec les vraies belles jeunes femmes dans le monde réel, être capable de les séduire, de les emballer dans une nuit somptueuse de tendres folies légères, bien plus que les monstrueuses représentations scéniques des vidéos de films XXX, où des magnifiques femmes trop bien roulées font office d’éponges Spontexxxxxx, de cheval équestre au tiercé ou de sopalin Tampax hygiénique pour aseptiser les meubles de l’appartement du trimard gonflé de stéroïdes, analphabète et complètement reconverti en bulldozer pour chantier de construction sur la belle partenaire Spontexxxx Tampaxxxx.

Après une vidéo intensive avec la délicieuse Angela White (« ooohhhhh Divine Déesse Mrs Angela White » au paradis de mes sens), vous n’aurez plus de secrets pour monter vos meubles Ikea. En tout cas, après visionnage d’une scène avec la belle Angela White et Rocco le terrible (ou Manuel Ferrara, le barbare rembobiné de l’échelle Darwinienne), vous aurez la notice explicative « comment défoncer ses meubles pour les nuls », notice 2.0 en image THX system HD pour bien fracasser votre mobilier discount, usagé et de chez Lidl. Les scènes d’Angela White sont comme des rencontres d’hooligans ultras, skinheads sous acides et sous cocaïnes après une défaite de match. C’est l’amour vache, happy-hour de fessées à volonté et commandant Cousteau de la fellation, version National GeographiXXXX.

Ça finit presque comme les spots publicitaires pour la pâte à modeler des enfants de 4 ans, « Play-School », ceux où ils en mettent partout, puis après on envoie la réclame pour l’essuie-tout top délire méga groove.

Quelques fois les comédiens rejouent à des versions body-painting de liquides séminaux au jeu-vidéo « Tetris », tellement ils se creusent la tête pour faire des ouvertures acrobatiques comme le positionnement des pièces dans le jeu « Tetris ». Mais là c’est des positionnements d’organes dans réceptacles vaginaux ou même anaux de la jolie jouvencelle. Genre multiprises pour câbles à veines surdimensionnées.

Ce qui me chagrine (personnellement, parce que pour elle c’est l’extase, enfin je présume), c’est que cette femme est tellement belle, sexy, d’une sensuelle fraicheur, que c’est désolant de m’apercevoir que des belles femmes comme elle ne s’abandonne qu’à travers la salace violence et la perversion décadente, obsolescence d’une dégénérescence au solstice d’une génération déchue.

Une des Escort-Girl (une indépendante âgée de vingt ans, en concubinage avec un homme) qui partageait la besogne des ébats équestres toute la nuit. D’ailleurs le défilé ressemblait à Pôle Emploi du zboob. Les Assedic du sexe.

Cette escorte me dit « toi t’es différent t’as l’air d’un gars bien…. Moi d’habitude les mecs viennent pour me sauter, ils ont une fellation, ils me baisent et une fois giclé, ils partent puis j’enchaine avec le suivant », certains hommes ne sont pas privés, ni frustrés de conquêtes et d’oxygénation sensuelles féminines, non ça ne leur convient pas ou très peu, eux ils vont vers ces professionnelles du sexe parce qu’ils aiment s’offrir et contrôler les instants avec une nana. En fait ils ont plus de plaisir à donner de l’argent pour avoir le choix de la télécommande et orchestrer le programme télé-chattes.

Où sont passés les instants de tendresse, les longues caresses, les frôlements de lèvres, la conjugaison des corps, la fusion des regards, la connexion des soupirs, des orgasmes en se tenant les mains, les caresses qui dessinent le joli corps de la partenaire ? Où sont passés ces jolies choses ?

Actuellement tout n’est que soumission de jouvencelles dans une Lamborghini, ou bien sur un radiateur, parfois même sur une chaise dans un théâtre d’immondices, salace, irrespectueux et dégradant pour une relation où les sens s’émerveillent en effervescence.

Les deux sexes ne se respectent plus, ils s’achètent, se prostituent, se marchandent, se mentent, se dupent, se trahissent mais point ne s’aime dans un poème.

Robotique est le désir, machinal est le sexe. Je suis peut-être vieux-jeu, trop démodé, mais je ressens la sensualité comme une forme expressive de spiritualité et l’indolence charnelle d’une femme dans ses mains, dans ses bras, c’est parvenir (en tout cas pour moi oui) c’est effleurer la douceur des nuages du Ciel, c’est sentir l’amour de Dieu, toucher l’intime d’une femme qui a confiance en vous et qui s’abandonne dans vos bras, c’est caresser le visage des anges du paradis.

Avec le temps j’ai remarqué qu’il est, dans un certain sens, préférable pour mieux créer et être en accord avec mon inspiration gothique, dans un consortium opposé à mon univers. La phrase de John Milton « mieux vaut régner en enfer que de servir au paradis » est à double tranchant. En effet si j’étais sans arrêt dans des cercles de personnes comme moi, entouré et surnourri de culture proche de la mienne, il me serait impossible d’enrichir ma griffe artistique. De plus si je n’ai pas mes adversaires à portée, comment pourrais-je mieux argumenter ma plume ? D’une certaine manière être le revers cauchemardesque de mon environnement a dû faciliter la créativité de mes livres et nourrir la poésie gothico-spirituelle de mes textes.

Plus la souffrance est à l’extrême, plus la blessure frôle le blasphème, plus mon poème s’inscrira dans la singularité, l’authenticité, la créativité et l’originalité.

(Puisque les autres brebis sages sont déjà markettées, packagées et labélisées fashionista).

Sandrine Turquier : Vincent Blénet, vous êtes avant tout un grand observateur du comportement humain et plus particulièrement de la gent féminine, votre ouvrage écrit durant la période du premier confinement n’a fait qu’accentuer votre vision critique et pessimiste sur les attitudes et conduites de vos congénères et des femmes conditionnées dans un système où le jeu de l’ultra-séduction soustrait la personnalité et l’intelligence émotionnelle.

Selon vous, la régression et la perte de toutes valeurs étaient-elles programmées depuis des décennies ?

Vincent Blénet :

Déjà la décadence fait vendre, bien plus que le bonheur idyllique. Si vous êtes heureux vous n’avez besoin de rien. Or c’est précisément sur le manque, la souffrance et l’atrocité des frustrations que le commercial va pouvoir faire son beurre. Et pas un beurre discount oméga 3, non un bon gros beurre gras et baveux.

L’objectif est de vous priver de toute existence et de privilège afin de mieux vous en vendre au prix fort. L’offre et la demande se basent sur les prières d’une âme en peine.

J’ai constaté en écrivant « Cieux FM », lorsque je rodais dans les centres commerciaux, que les magasins et les enseignes franchisés recrutent de charmants et surtout de très charmantes vendeuses afin que l’éventuel acheteur, non pas intéressé par la marchandise exposée, mais davantage par la jolie vendeuse sur laquelle il va flasher. Guidé par son troublant désir, le client va s’aventurer dans la boutique. Déjà entrainée à mentir comme un chef, la vendeuse fait semblant d’être « charmée » et semblant de s’intéresser à la vie du client, allant même jusqu’à utiliser des instants ou émotions perso avec pour objectif que l’acheteur paie une merde qui ne lui servira à rien. Mais la vendeuse a fait comme la tapineuse, elle a fait raquer un portefeuille sauf qu’elle n’a pas eu à payer de sa chair, juste elle a fait semblant d’être humaine et semblant de sourire.

Le pouvoir ecclésiastique, dogmatique, de l’argent.

Les enseignes cosmétiques et vestimentaires n’hésitent pas à utiliser l’érotisme et la perfection charismatique des employé(e)s pour attirer les badauds et les pousser à acheter. Dans un sens les commerces sont un peu comme des bordels où on promet du sexe contre des billets. Le paradis du mensonge, l’évangile de la traîtrise.

Un exemple de l’absurdité actuelle, la déchéance neurodégénérative de notre époque :

Lorsque la téléréalité est apparue dans le début des années 2000, les médias mainstream ainsi que l’opinion publique criaient au scandale.

L’ironie aujourd’hui, en l’an de disgrâce 2021, c’est que la téléréalité est devenue une manne commerciale, une forme de religion réformiste. Mais la supercherie est si grotesque et si ignoble que la téléréalité est devenue un style de vie à suivre si vous voulez éviter d’être cramés sur le bûcher des losers.

Ils vont même jusqu’à faire des émissions sur la grossesse des candidats de téléréalités, filmant les accouchements lorsque la fille expulse son bébé, déchirant son vagin dans la salle de travail. Et après ils font des comptes Instagram sur les enfants en bas-âge des candidats de téléréalités.

Les gens ne réfléchissent plus, c’est la télévision qui pense à leur place. La bêtise est une institution. Le système va brandir quelques guignols médiatiques, appelés ‘philosophes’, pour qu’ils débattent sur le reportage diffusé et donne l’opinion que les téléspectateurs doivent retenir sans aller faire l’effort de réfléchir eux-mêmes et se documenter par eux-mêmes.

En fait la société met des étiquettes à tout-va, comme pour labéliser qui doit être qui. Une étiquette pour classer les esprits, les genres, les identités et puis en faire un marché. Mais également des cibles. Laquelle doit être valorisée et laquelle doit être stigmatisé. Laquelle sera jugée et laquelle sera acceptée, et ainsi de suite, ils ressassent la même rengaine, la même ritournelle.

Parce qu’au lieu d’essayer de comprendre ce qu’ils ne conçoivent pas, les normaux classent, identifient et châtient ce qui ne leur convient pas.

De nos jours vous regroupez une catégorie, sur laquelle vous collez une étiquette précise, vous rassemblez votre secte et vous pointez tous en cœur du doigt la personne qui vous « dérange ». Vous obtenez une cohésion d’unité sociétaire. Ça rassure ceux qui participent joyeusement au jeu des chaises musicales de la mode et des codes. Ils se sentent apaisés, normaux et civiques. En plus de cela ils pensent faire une bonne action en lynchant le « différent », ils peuvent laisser la barbarie assombrie de leurs occultes natures profondes exorciser leurs sinistres pulsions et ils sont réconfortés de masquer l’horreur inhumaine de leurs actions, tout en se mentant à eux-mêmes, avec bonne conscience, en affirmant que c’est pour le bien de la société.

Le premier confinement a illustré avec élégance ce portrait hypocrite de l’humain. Etre enfermé pendant deux mois a été lourd à subir, psychologiquement et psychiquement.

Par contre, les gens ont affiché (surtout aux JT du 20H) une obéissance rigoureuse, un sens collectif citoyen et de bonne complaisance, toujours avec le sourire.

Mais dès qu’ils ont été déconfinés, ils se sont rué tous complètements accros à leurs bars de jeunes pour se noyer dans l’ivresse alcoolisée et d’excès. Là ils ont révélé la froideur sauvageonne de leurs pulsions, de leurs distractions. Certains se réunissaient en teknival sur des monuments aux morts, tombés pour la France à la guerre de 14-18.

J’ai vu des gosses pisser sur le monument d’hommage aux soldats tombés pour la France. Les jeunes se droguaient et buvaient comme des sangsues boulimiques, en inondant le lieu sacré de cadavres de mégots (cigarettes et pétards de cannabis, ou de shit), et aussi des tonnes de bouteilles, parfois éclatées en mille morceaux, partout sur ce symbole sacralisé de l’Histoire.

L’Histoire au fil des siècles s’est écrite dans le sang et la conquête des royaumes. Le vivre-ensemble est bien plus difficile à acquérir que le besoin de dominance des terres chez l’humain. Depuis les époques successives la guerre des classes a fait ravage dans les castes. En tout temps. Même avoir la Foi posa souvent problème en fonction de votre appartenance au catholicisme ou au protestantisme. Pour une virgule qui se plaça à droite ou à gauche d’un verbe, d’une phrase dans un évangile biblique, vous deviez faire serment d’allégeance et même de guerre avec la communauté religieuse où votre Foi porta sa préférence, soit elle est à droite ou bien à gauche de la virgule dogmatique. Résultat une guerre de cent ans, un génocide pour la même croyance, la même appartenance chrétienne, mais dans un expressionnisme un peu différent.

Transformer la Foi en mantras de guerre. Transformer la joie en rancœurs frustratives, objets de convoitises qui menèrent à bien des fascismes, à divers totalitarismes. Bénéficier de la dictature au nom de la paix. Bénéficier de la haine au nom de l’amour. Galvauder l’amour en symbole de haine. Et puis recycler l’odeur du souffre pour en faire un business-plan lucratif, Tweets à gogos, etc.etc.etc. Telle est la sordide nature profonde de l’humain.

L’humain, nous en avons trafiqué nous tous à notre avantage la notion, l’essence même. Nous avons perverti les faits dans le but d’avoir des excuses légitimes pour justifier nos crimes, nos offenses et nos déviances.

à suivre…

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