Interview spéciale : Vincent Blénet 1/3

vincent par liam gazhell

Je vous l’avais annoncé dans mon portrait estival de Vincent Blénet, voici le petit événement de la rentrée chez L’ami des Auteurs, une interview spéciale en trois parties de l’auteur montpellierain. Une interview dans laquelle Vincent Blénet, avec la verve et l’âpreté qu’on lui connaît dans ses livres, ne mâchera pas ses mots sur des sujets aussi variés que ses relations familiales houleuses, voire tragiques, la schizophrénie, la condition de l’écrivain français pas ou peu médiatisé, surtout en province, les gens qui l’entourent et qui lui sont chers, la pornographie, ou encore Marilyn Manson. Alors c’est parti ! Mettez vos casques, attachez vos ceintures, l’Archimandrite ténébreux prend le volant pour cette visite guidée de son enfer. 

L’Ami des Auteurs : Vincent Blénet, L’Ami des Auteurs vous a consacré plusieurs articles. Nous allons, grâce à cette interview spéciale, essayer de mieux vous connaître et de mieux comprendre votre univers et votre travail d’auteur. Après plus d’une dizaine de livres, percevez-vous une évolution dans votre travail ?

 Vincent Blénet : Oui, au fur et à mesure des années j’ai appris à davantage cibler la thématique des recueils, à avoir une forme d’investigation et d’observation. Je profite des émotions ressenties au fil des jours, des années, et des situations pour étayer mes écrits, selon la thématique du livre du moment. Je me mets également en condition psychologique pour canaliser mes ressentis littéraires. Par exemple après une crise douloureuse, je vais utiliser mes émotions extrêmes pour enrichir mon écriture. Je m’efforce aussi de visualiser ce qui me vient à l’esprit pour retranscrire, tel un tableau, ce que je vois dans ma tête, ou capter comme une photographie une scène extérieure. Exemple : en ce moment je travaille sur mon prochain livre, dont le thème est la dépression et le blasphème, et j’utilise souvent mes crises, mes douleurs, mes rages afin de combiner toutes ces émotions généralement cataclysmiques, avec la beauté du ciel, le mouvement indolent des nuages « purs ». Indépendamment du visuel, j’essaie de mettre beaucoup de réflexions et d’analyses sociétales, politiques et humaines dans ma prose, souvent cynique et parfois mystique. Avant – pour les 10 premiers livres – j’e travaillais différemment. J’écrivais sur un cahier et ensuite seulement je retravaillais mon texte sur ordinateur. A présent je travaille directement sur ordinateur. Depuis le dernier livre Gahell je travaille même à partir de mon cellulaire. Cela me permet d’écrire de n’importe où, de capter des instants et des situations et de retranscrire au cœur du vécu.

Mes ouvrages sont plus aboutis par ma prose philosophique, plus incisif dans l’Attaque avec une forme légère de subtilité. Cependant, en avançant à travers la vie, je ressors davantage mon obscurité intérieure et cela se manifeste grandiloquent dans ma littérature. Il est vrai que mes livres ne sont pas des produits publicitaires pour égayer les lecteurs déjà zombifiés par les daubes niaiseuses vendues en masse et valorisées par les TV démagogiques, j’avoue, c’est vrai, lol. Pourtant, à force d’essayer de survivre, alors que longtemps j’ai cherché à mourir, sauf dans l’écriture car c’est elle qui me retient à l’existence. Lorsque j’écris je respire, je survis, j’existe, je ressens etc.… mais lorsque vous n’avez aucun, voire quasi zéro retour externe aux abysses carcéraux montpelliérains qui suffoquent votre psychisme altruiste et votre QI d’attention, vous devenez neurasthénique et progressivement, vous devenez semblable aux pathétiques débiles qui fleurissent les rues sympathiques de cette ville. Au final, vous mourrez intellectuellement, humainement, logiquement, et vous vous mutez en forme bestiale rageuse afin d’obéir à des statistiques idéologiques sociétales prés formatées. Aussi, voici pourquoi dans l’évolution de mes livres demeure un cynisme glacé représentatif du néant. Avec le manque de reconnaissance artistique, j’ai beaucoup de mal. Autrefois j’aspirais à zigzaguer dans des cercles qui aujourd’hui me répugnent du plus profond de mon être, à savoir Hollywood et les trimards de peoples illusoires naze broques. Désormais j’ai davantage le désir d’artistes, moins paillettes. Pourtant faire des rencontres intéressantes, enrichissantes, inspirantes, cela me ferait beaucoup de bien. Il n’est pas dans mon objectif d’aller me pavaner dans des banquets à motos crottes où les « m’as-tu vu » sont en opulence, par contre je souhaiterais avoir les opportunités agréables d’approcher quelques artistes, écrivains, musiciens de talents et au fort impact afin d’échanger avec eux ma littérature à titre humain. Dans un sens de rencontres, dialogues, soutiens, encouragements (dont mon propre père ne m’a jamais fait cadeau), histoire de ne pas me stagner et me cantonner aux réflexions stupides des hordes de djeunes prépubaires qui vaquent en centre ville de ma prison montpelliéraine.

Ici, la mentalité n’est préoccupée qu’à consommer des merdes en magasins, boire de l’alcool en s’enfermant dans les bars et de jouer aux voyous de cités dans les night clubs où les filles (les succubes agressives et très limitées mentalement) monnayent leurs sourires et autres gestes tactiles, voire davantage XXX, afin d’être le lendemain dans les commerces pour assécher les soldes. J’atteste que mon environnement affaiblit celui qui ne répond pas aux dites ‘Normes’ et que pire encore, ici, on vous formate en monstre psychotique. Nul ne peut être saint d’esprit après avoir été infecté par les trimards de cette ville. Quant aux étudiants loin de leurs parents, ces derniers feraient mieux de les recadrer un peu plus car c’est la Fabrique à Gogols !!! Il est donc évident qu’à la longue, mes thématiques de livres ne peuvent être une comédie à la Marc Lévy ! En un sens, je me sens grandi et affaibli, enrichi et désespéré, fort et vidé tout cela à la fois. J’ai évolué pour chuter, puis me stabiliser, m’effrayer et me ressourcer. Puis m’inquiéter, en ce moment je suis angoissé. Mais je poursuivrai encore mon envie féroce et boulimique d’écrire, c’est la seule chose de beau et merveilleux qui me soit arrivé dans ma vie !

L’ami des Auteurs : Quel regard portez-vous sur votre parcours et vos livres ?

Vincent Blénet : Davantage d’implication dans mes livres. Plus de passion aussi. Je me sens plus mature, moins obsédé par le « star système ». Je me sens davantage écrivain, et bien plus consciencieux et réfléchi. Je suis passé d’un stade où j’étais dans l’outrance sans réflexion à une plus grande sélection des mots utilisés. Je ne suis plus outrancier pour être outrancier mais seulement lorsque je le sens nécessaire au sens de mon œuvre du moment.

L’Ami des Auteurs : J’ai lu Gazhell, un de vos derniers livres. Que pensez-vous de mon compte-rendu chez L’ami des auteurs?

Vincent Blénet : J’ai beaucoup aimé votre compte rendu sur mon travail. Que vous ayez su analyser et percer précisément ma pensée et mes ressentis douloureux, cela m’a touché. Je veux d’ailleurs profiter de cette interview pour vous en remercier car cela m’aide à me sentir un peu reconnu et légitimé. Chose très difficile à obtenir en général.

L’Ami des Auteurs : Ma critique correspond-elle à ce que l’on dit habituellement de vos livres ?

Vincent Blénet : Votre critique est bien plus positive et étayée que ce qui se dit généralement, ici à Montpellier, sur mon travail. Malgré l’énorme travail accompli sur ce dernier livreGazhell les retours entendus ici sont assez navrants, voire méchants et cruels. Notamment par des gens qui n’ont même pas pris la peine de lire mes écrits… Il est difficile  de voir son travail reconnu dans un environnement très éloigné de la littérature et de l’univers qui est le mien. J’aurais aimé avoir le soutien, les encouragements d’artistes que j’apprécie, il semble que ce soit inatteignable !

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L’Ami des Auteurs : Pensez-vous que je sois passé à côté d’un élément essentiel ?

Vincent Blénet : Je ne crois pas que vous ayez omis quelque chose. D’ailleurs je tiens encore à vous remercier vraiment car c’est très important qu’en tant qu’écrivain, en dehors du star-système médiatisé, nous bénéficions de personnes comme vous pour relayer nos œuvres et nos proses émotionnelles. C’est très important et amical de votre part.

L’Ami des Auteurs : Vous êtes schizophrène, et on sait la valeur thérapeutique de l’écriture. Pensez-vous que cela soit particulièrement vrai dans votre cas ?

Vincent Blénet : OUI ! C’est plus que vrai, c’est même vital pour moi. La seule chose positive de ma vie c’est l’écriture. Elle m’a sauvé du chaos et me permet de ne pas sombrer. L’écriture est mon oxygène au même titre que l’air que je respire. Récemment j’ai réalisé qu’à travers cette « malédiction » de ma pathologie qu’elle m’a permis d’avoir une connexion spirituelle qui m’a permis d’approfondir mes écrits. Certes ma maladie est un grand handicap dans ma vie, et une source réelle de souffrance. Mais, pour tâcher d’être un peu positif, je dirai qu’elle m’a donné une profondeur d’écriture que je n’aurais peut être pas eue. J’ai le sentiment que ce handicap a développé en moi une faculté d’analyse plus poussée. Pourtant, lorsque j’étais en enfermement, les psys me rabâchaient sans cesse qu’écrire est une maladie ! Heureusement, je ne les ai pas écoutés. J’ai publié 14 livres, je travaille sur le 15ème. J’écris depuis une vingtaine d’années. Même si mon travail n’est pas « rentable », pour reprendre l’expression horrible de mon père, mon éditrice croit en moi et la publication de mon travail est pour moi une victoire sur la vie.

vincent et monika 2017

C’est étrange aussi, car n’ayant fait aucune étude poussée, Je me suis fabriqué seul en observant autour de moi. J’ai un complexe d’infériorité sévère en moi, je me trouve toujours trop con, trop niais, pas intelligent, ni compétent en quoi que ce soit. Et pourtant, j’ai réussi à bien gérer mes œuvres, ainsi que les « à côtés » etc. j’arrive à développer un vocabulaire recherché, alors que dans la vie tout ce que j’ai dû apprendre, ce sont les coups, la haine, la peur, la folie, le rejet et les non droits, ainsi que la psychiatrie ! Cela me surprend parfois, voire souvent. Lors d’une sortie scolaire en 3ème d’insertion, en dehors des gosses qui me promettaient de me crever et d’enterrer mon cadavre dans le cimetière proche du collège, on nous apprenait que notre avenir était de percer des circuits électriques. Pareil en HP, les psys me balançaient mes pages d’écritures dans la face en m’aboyant qu’écrire était une maladie absurde et qu’il était bien plus sain et équilibré de distribuer un journal d’annonces gratuites dans des boites aux lettres. Plus tard pendant un de mes stages forcés et obligatoires, sinon je devais rester dans une cage, je devais travailler sans être payé, mon salaire était l’oxygène que je respirais, bref… donc pendant ce stage dans un cinéma en centre ville montpelliérain, un des enfoirés de nazis freudiens de la Colombière (mon goulag auschwitzien psy) était venu voir un film avec sa morue. Après que j’ai déchiré son ticket, c’est le travail d’ouvreur, ainsi est le nom dans la profession, le psychiatre Dr Aguillard me lance avec un sourire d’enculé « ah, vous voyez que vous pouvez travailler dans l’univers cinématographique, vous déchirez mes tickets ». Abasourdi et choqué, mais aussi défoncé de neuroleptiques puissants, je n’ai pas osé répondre à ce sarcasme malsain. En parlant de complexes, j’ai toujours dû traverser de longues batailles avec mon cerveau. En effet, combattre des tocs et phobies ou bizarreries n’est pas un voyage au Club Med. Souvent j’ai dû parvenir à calmer mes angoisses et mes peurs face aux silences littéraires (la page blanche quoi). Cela à cause de mes nombreux traitements psychotiques et l’énorme manque de confiance en moi. J’en ai atrocement souffert et parfois lorsque certains doutes traversent, c’est infernal. J’étais un ‘cancre’ scolaire, mais cela ne m’a guère empêché d’être un écrivain ! Je remercie chaque jour le Ciel pour cela. Enfant, j’aspirais ardemment à être un Artiste, grâce à mes livres, j’en suis devenu un…

Comme quoi, il ne suffit pas d’aller à Oxford ou Harvard pour rédiger de la branlette niaise facturée en rayon, genre Guillaume Musso chez des éditeurs qui portent bien leurs noms de commerces : Plon !!! Pour annoncer un pavé à essuie tout à crottes de piaffes journalistiques égocentriques à souhaits, qui pensent que sans leur aval un travail créatif d’un Artiste doit clamser. Heureusement, il y a « L’ami des Auteurs » YEAAAHHH !!!…

Propos recueillis par Frédéric Candian pour L’Ami des Auteurs. A suivre…

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